Moment de grâce

J’ai partagé hier sur ma page facebook le statut d’une amie qui m’a beaucoup touchée. Un petit instant de vie qui pourrait sembler insignifiant, mais qui, au final, prend des accents d’inattendu. Un moment de grâce suspendu dans le temps.

Pourquoi, me direz-vous, ai-je tenu à rédiger ce billet complémentaire sur le blog ? Tout simplement parce que dans le flot des commentaires émus, une des réactions suscitées par ce statut m’a interpellée quant au sens que revêt l’émotion générée par cette scène.

Voici le statut en question :

personne agee route‘Partage d’une scène de vie malheureusement pas ordinaire, qui m’a particulièrement touchée voici quelques jours : je longe le port de Toulon, et m’arrête au dernier feu devenu rouge. je suis en ligne avec Charles et observe tout en discutant les passants défiler devant ma voiture. Quand je vois un vieux monsieur s’engager sur le passage piéton. Son pas est extraordinairement long, son caddie au maigre chargement, extraordinairement lourd. Son pied est bandé et vaguement retenu par ce qu’il reste d’une sandale. La scène autour de lui s’agite, les pas se pressent, le feu menace de passer au vert. Le Monsieur n’en est qu’au 1/4 du chemin et j’imagine déjà la scène de vie ordinaire, bruits de moteur, klaxons énervés, cris et mots fleuris.
Et pourtant, le miracle se produit : une jeune femme au pas pressé, portable à la main, a déjà traversé. Sur sa route, elle croise le vieux passant brinquebalant et se retourne aussitôt pour lui proposer son bras. Le vieux monsieur lui saisit doucement, la jeune femme s’empare de son caddie et voilà qu’ils franchissent ensemble l’insurmontable traversée solitaire. La jeune femme est condamnée à attendre à nouveau que le feu passe au vert pour reprendre sa route.
Cette scène de vie, banale, m’a estomaquée. Cette jeune femme est devenue une sainte et son geste un miracle.
Dans la société actuelle où l’égoïsme est roi, où chacun suit sa route sans jeter de regards sur les côtés, j’ai vécu cette scène comme un cadeau.’

main personne agee

C’est vrai, ce joli témoignage d’entraide est émouvant tout autant que surprenant. Mais si l’on pousse la réflexion un peu plus loin, pourquoi nous ébranle-t-il ? Est-ce parce nous n’y assistons que trop exceptionnellement ? Est-ce parce que dans notre société pressée et individualiste la bienveillance étonne ?

Nous nous attendrissons d’une telle scène et en percevons la beauté. Mais ne doit-on pas être tristes également de nous en réjouir autant ? Les mains tendues sont-elles rares à ce point ? Ce sont précisément les questions que l’on peut se poser. Et vous, qu’en pensez-vous ?

16 réflexions sur “Moment de grâce

  1. Perso, ce n’est pas tous les jours que je vois des vieux messieurs au pas incertain se lancer sur un passage piéton. Donc, non, ce n’est pas une scène quotidienne, mais l’inverse (qui serait quoi, d’ailleurs ?) ne l’est pas davantage, si ? Ma réalité, c’est que les gens se débrouillent très bien tout seuls, et qu’ils n’ont pas besoin qu’on vienne leur prendre la main sous prétexte qu’on est tellement plus fortiche qu’eux et qu’on sait exactement ce dont ils ont besoin sans même qu’ils aient eu à l’exprimer. Il y a aussi un côté présomptueux, condescendant, voire infantilisant à vouloir « venir en aide » à tous ceux qui sortent un petit peu du moule… marchent un peu trop lentement sur un passage piéton, par exemple. Et alors ? Il va y arriver. Après tout, il s’est lancé, c’est qu’il s’en croyait capable, non ? Peut-être que sa dignité passe par là. En un sens, cette jeune femme l’a donné en spectacle… Dieu seul sait s’il en était plus content que mortifié. Et, finalement, un tel geste ne traduit-il pas davantage une volonté de refouler ou de soumettre la différence (en la prenant en charge), que celle de réellement la comprendre et la respecter (en lui permettant de s’imposer par elle-même) ?

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    • Dans le Sud de la France, ça peut être une scène quotidienne 😉
      Où s’arrête l’entraide et où commence l’intrusion ? La limite est difficile à placer mais à mon sens cela ne devrait pas nous empêcher de proposer notre aide sous prétexte que chacun peut se débrouiller ou par peur de paraître condescendant. La personne en face est tout à fait libre de la refuser… ou de l’accepter volontiers car elle n’aurait pas osé la demander. Pour ma part, j’apprécie tjs les gens qui sans te connaître se soucient de savoir si tu as besoin d’eux, celui qui va t’aider à attraper cette boîte trop haute sur un rayon de supermarché ou qui va t’aider à monter ta poussette dans le bus. Aussi j’aime à croire que ce monsieur a été soulagé de ne pas se retrouver en plein milieu de la voie avec des voitures rageuses autour de lui (encore une fois on parle du Sud de la France 😉 ).

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  2. Bonjour,

    Le truc c’est que l’on peut souvent entendre ( des pro-développement-perso ) que nous avons le pouvoir de créer notre monde. C’est vrai, même si ce n’est pas simple.

    C’est vrai que les grandes villes peuvent manquer d’humanité, mais j’ai envie de dire  » oh vous n’êtes pas obligé d’y aller aussi !  » En fait, si l’on regarde bien, on pourra bien sûr choisir de changer les choses, mais ce sera trop dur, mais on a le choix, c’est simplement qu’on choisit de ne pas le faire pour, sans doute, de très bonnes raisons.

    Celui qui aide quotidiennement en lisant ce billet il rigole – un peu jaune d’ailleurs. Non pas que le geste ne vaille pas le fait qu’on en parle, mais pas comme ça, ce n’est pas un miracle et ce n’est pas une sainte, sinon je serais un DIeu parce que j’en cumule des actions comme celle-ci dans l’ombre, ma copine aussi, mon frère, des ami(e)s… ici aussi, on parle sans doute tous les jours à des personnes qui font et on fait bien plus que ce  » simple  » geste.

    C’est pour ça que quand on me dit c’est qui ton héro je réponds soit  » l’homme qui aide dans l’ombre sans en tirer aucun bénéfice ni aucune gloire :  » sachant qu’il y en a des milliers, ou sinon je réponds :  » toi  » car nous sommes tous des héros parfois à notre manière.

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  3. bah je l’ai deja fait, je m’excuse, mais c est dans mon education,
    justement au mois d’aout,
    je revenais de la plage,
    pour cela il fallait monter une dune de sable et puis en redescendre pour arriver au parking naturel , pas un parking cimenté tu vois, un endroit plat
    bref, je vais a la voiture et essuie mes pieds plein de sable, et là je vois une mémé, marchant le dos courbé, avec des jambes bien enflées, elle grimpait la dune, mais son pas etait mal, je me suis dis mais elle va dégringoler, c’est hyper dangereux, et pourtant des gens etaient la,
    sur le coup je me suis dis , mince j y vais ou po ? et pis crotte j y vais , je sais pas j etais un peu genee, j’avais peur qu’elle m’envoie balader

    « madame c’est dangereux je vais vous aider »
    elle me regarde mechamment
    « non non »
    mais vous voulez aller a la plage ????? le sable est chaud et vous savez vous risquez de tomber, donner moi le bras
    « moui »
    et là, on s’arrete à un moment,
    et elle me dit merci, et son air mechant en fait , c etait une suspicion, et elle se met a me raconter sa vie, ses petits enfants, ses enfants, la solitude, la vieillesse, sa jeunesse, et elle me dit, mon fils est sur la plage avec sa famille

    voila, je l’ai laissé apres, et j’ai une beaucoup de minutes a la fois de tristesse de joie,, enfin une grande emotion par cette rencontre, cette dame que je ne reverrai jamais,
    je lui ai fait plaisir je le sais, elle etait souriante quand elle m’a dit aurevoir,
    c’est la qu’une petite larme est venue dans mes yeux

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    • Joli moment 🙂 c’est vrai que ce n’est pas tjs facile d’accepter de l’aide surtout qd on est une personne âgée. Mais après avoir fait tomber ses barrières, cette dame a été heureuse que tu la lui aies proposé. S’ouvrir permet de vivre de petits instants de joie finalement.

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  4. Hey ! C’est Florie 🙂
    Et bien je suis assez fière de dire que je trouvais ce statut un peu « too much ». Pourquoi ? Parce que je fais en sorte d’aider les autres dès que je le peux. Il m’arrive fréquemment d’aider des mamans à porter leur poussette, les mamies qui n’arrivent pas à attraper ce qui est trop haut dans les rayons, les enfants qui semblent perdus dans une fête foraine, etc. Et je transmets à mes enfants ! Enfin surtout à la grande pour le moment. J’ai bon espoir que les personnes que j’ai aidé aideront à leur tour.
    Je sais que l’on est trop souvent individualistes, mais dans mon environnement proche j’ai pu constater des gestes d’entre-aide, de sympathie, comme ça, gratuitement.
    L’humanité n’est pas morte ! 🙂

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    • Dans mon village aussi c’est comme ça, les gens sont beaucoup plus détendus et serviables 🙂 Par contre dans les grandes villes, c’est une autre paire de manches, rien que pour ça j’aurais bien du mal à retourner travailler à Paris !

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  5. J’ai vu récemment vu une vidéo avec plusieurs scènes de ce genre. J’avais été émue, mais, comme toi, je me suis demandé « mais pourquoi n’est-ce pas là notre quotidien ? ».

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