L’atelier d’écriture chez Asphodèle : Quand Antoine rencontre Sarah

plumes asphodeleLa semaine dernière, je voulais écrire un bout de l’histoire de Sarah et Antoine avec les mots de l’atelier d’Olivia mais le temps file trop vite !

J’ai donc repris ces mots : ténébreux – sombre – gouffre – clair – caverneux – roman – asocial – adaptation – théâtre – dramatique – scénariste – comédien – grandiloquent, auxquels j’ai retiré ‘caverneux’, ‘théâtral’ et ‘grandiloquent’ et j’y ai ajouté les mots de la semaine chez Asphodèle : inconnu, nostalgie, rivages, différence, dépaysement, horizon, recommencer, mutation, ailleurs, lointain, voyage, insouciance, oublier, découverte, chimérique, aventure, soleil, distance, ici, asphalte, abandonner, améthyste.

L’histoire d’Antoine, Sarah et Tristan est donc livrée par bouts et dans le désordre mais je ne désespère pas de remettre un jour le puzzle à l’endroit 🙂

‘Elle faisait la queue depuis vingt-cinq minutes au snack des Comédiens, ce qui lui avait donné largement le temps de faire son choix entre le panini italien (le meilleur du quartier) et l’irrésistible sandwich poulet curry au pain polaire. « Quelle plaie, je vais encore sentir le graillon en rentrant au bureau » se lamenta-t-elle intérieurement. Malgré l’attente interminable, elle trouva quand même le moyen d’hésiter sur sa commande quand elle fut enfin devant le comptoir. « Bonjour… euh… Une bruschetta tomates-mozza… un Coca light et… une panacotta sauce framboise, s’il vous plaît », finit-elle par lâcher à la serveuse débordée. L’ultime minute d’attente l’avait encore fait changer d’avis.

– Et n’oubliez pas le supplément huile d’olive et pignons !

Sarah sursauta en entendant la voix derrière elle. Elle se retourna et se retrouva nez-à-nez avec un jeune inconnu qui affichait l’air goguenard de celui qui a réussi un coup d’éclat. Elle le jaugea rapidement : pas très grand, le cheveu sombre et bouclé, l’oeil vif et malicieux, plutôt sympathique de prime abord.

– Pardonnez-moi, je ne me suis pas présenté : Antoine, votre voisin d’en face. Enfin je veux dire, je tiens la petite galerie d’art en face de votre bureau. Sarah, c’est ça ?

Elle se souvint d’avoir été une fois dans cette galerie. Son amie Mag était passionnée de peinture et était, au grand dam de son mari, un vrai gouffre dès qu’il s’agissait de jeunes créateurs. Cependant, cela ne l’avait pas empêchée, semble-t-il, d’oublier le visage de son propriétaire : après tout, sa spécialité n’était-elle pas d’avoir toujours la tête ailleurs ? Même si elles étaient les meilleures amies du monde, Mag s’amusait régulièrement à la traiter d’asociale et de Marie-qui-rêve. De plus, elle n’était pas spécialement jolie mais ses longs cheveux blond clair, son teint diaphane et ses yeux améthyste immenses donnaient l’impression qu’elle était tombée tout droit de la Lune.
Sarah fut estomaquée que le jeune homme connaisse non seulement ses habitudes, mais aussi son prénom. Avant qu’elle ait eu le temps de bafouiller une réponse, la serveuse lui remit le sac de son déjeuner tout en prenant le ticket restaurant que Sarah lui tendait.

Square-du-Temple--DSC_7885– Il fait beau aujourd’hui, dit Antoine en faisant un clin d’oeil. Je parie que vous aviez l’intention d’aller vous installer sur l’herbe au Square du Temple avec un livre, j’ai raison ?

Sarah acquiesça de la tête avec un regard ébahi. Cet Antoine était sans aucun doute un psychopathe qui la pistait peut-être depuis des mois.

– J’aime bien y aller aussi, poursuivit-il, même si je ne suis pas un grand fan des mômes qui courent partout. Est-ce que vous daigneriez partager votre soleil ?

Sarah rougit. Son bouquin du moment, un roman dont l’adaptation cinématographique par un scénariste en vogue avait connu un franc succès – alors qu’il était dramatiquement mal écrit – ne pouvait décemment pas rivaliser avec la compagnie de ce drôle de garçon, même s’il était un tantinet effrayant à en savoir autant sur elle. Ne trouvant pas d’argument valable pour refuser, elle accepta en bredouillant une phrase inintelligible. L’aventure et l’imprévu n’étaient pas si fréquents dans son petit quartier du Marais, d’autant plus qu’à part ses collègues, elle ne connaissait pas grand monde ici.

Tandis qu’ils atteignaient la rue de Bretagne, Antoine lui avoua :
– Au fait, je m’excuse de vous avoir fait peur au snack. Pour tout vous dire, ça fait un moment que je vous vois sortir de votre bureau tous les jours exactement à la même heure pour aller chercher votre déjeuner et j’avoue que ça m’amuse d’observer vos petites manies de métronome. J’espère que vous ne m’en voulez pas.

Sarah se sentit un peu vexée. Elle était comptable et, comme dans ses bilans et ses comptes de résultats, elle aimait que tout soit carré dans sa vie aussi. Ce en quoi Tristan et elle contrastaient violemment. Tristan, l’artiste en mutation permanente, avait ouvert de nouveaux horizons et répandu un parfum de dépaysement et d’insouciance dans sa vie. Avec lui, elle avait découvert qu’elle pouvait abandonner un peu de sa rigidité, et prendre de la distance avec les choses matérielles trop bien rangées de son quotidien. Jusque là, elle n’avait fréquenté que des hommes cravatés dont elle ne gardait aucune nostalgie, et les seuls rivages lointains qu’elle avait atteints se trouvaient dans les voyages chimériques qu’elle faisait grâce à ses livres. Lorsqu’elle avait rencontré son beau ténébreux, c’est comme si sa vie toute entière recommençait, à jamais éloignée de ce qu’elle avait toujours été. Pourtant, il faut croire que leurs années de vie commune ne l’avaient pas rendue si différente puisque son voisin indélicat venait de la traiter de métronome. Elle baissa les yeux sur l’asphalte d’un air renfrogné et répondit :

– Puisque vous êtes si bien renseigné, vous devez aussi savoir que je suis comptable, et que nous ne sommes pas réputés pour être des modèles de fantaisie.

Antoine partit d’un rire à la fois charmant et tout à fait irritant :
– Je vous ai vexée !’

45 réflexions sur “L’atelier d’écriture chez Asphodèle : Quand Antoine rencontre Sarah

    • Tu as bien saisi le personnage Anna ! Elle aime justement que tout soit carré et elle a choisi un métier où tout l’est aussi parce qu’elle craint ce qu’elle ne contrôle pas, y compris ses sentiments 🙂

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  1. Je crois qu’on va bien s’entendre côté indiscipline (surprenant pour une comptable;), vu que moi aussi j’ai fait du deux en un 😉 D’ailleurs c’est mon nouveau trip de mélanger tous les défis!!! Puis il y a Tristan…. Ben viens voir 😉 http://dimdamdom59.apln-blog.fr/2014/02/26/pas-tristan-fait/
    Bravo pour ton texte un tantinet long, mais c’est bon ça se tient et ça donne envie de lire jusqu’au bout 😉
    Bises amicales!!!
    Domi.

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    • Merci Domi 🙂 Oui, j’ai lu ton texte ce week-end, j’ai beaucoup aimé ces Tristan et Yseult travellers… Et vive l’indiscipline !!
      Je te l’accorde mon texte est un peu long pour l’exercice en question, j’ai donc recollé tous les bouts que j’ai écrits pour les ateliers des semaines précédentes et hop, je me lance dans l’écriture de la nouvelle entière parce que Sarah, Antoine et Tristan sont un peu à l’étroit dans ce format ^^ et c’est un défi pour moi car je n’ai jamais fait ça ! Bises Domi, bonne journée à toi 🙂

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    • En fait ça a commencé par un petit texte pour un atelier, puis un 2ème avec les mêmes persos, celui-ci est le 3ème, je crois que je vais en faire une nouvelle complète parce qu’un roman, c’est un peu trop pour moi ^^

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  2. tres belle participation c’est pas grave que çà ne soit pas dans l ordre je fais çà aussi, en ce moment car parfois tu n’arrive pas a faire coller a le precedent billet pour tout j’ai pas trouve long mais c’est vrai quil y a beaucoup de textes a lire si on veut jouer le jeu

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  3. Tu as su les rendre attachants ces personnages ! Mais si je puis me permettre un petit bémol (juste pour l’atelier) c’est un peu trop long, normalement dans l’idéal il ne faudrait pas dépasser 1000 mots, surtout quand il y a 25 textes à lire ! 😉 Moi ça ne me dérange pas, surtout quand c’est bien écrit, avec flash-back et tout et tout (tu vas voir que tu vas nous le faire ton roman 😆 ) mais j’en connais qui ne vont pas tout lire ! C’est normal, plus il y a de mots à placer, plus le texte se rallonge, à moins d’être un pro des textes synthétiques ! Bravo à toi pour ce bel effort et surtout le résultat probant ! 😉

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    • Merci Aspho 🙂 Et oui, je suis bien d’accord avec toi, c’est trop long. Je me suis un peu lâchée sur la taille du texte, je ne fais jamais si long habituellement mais je me suis attachée à Sarah, Antoine et Tristan ^^ Je crois que je vais essayer de les débrider hors atelier, pour voir ce que ça peut donner 🙂

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    • Merci 🙂 Oui j’aimerais poursuivre cette histoire, que j’ai commencé à raconter dans le désordre. Si j’y arrive, je voudrais la remettre dans l’ordre et en faire une nouvelle, tout en continuant à utiliser les mots imposés !

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  4. Hou.. tu as pris le risque de mélanger tous ces mots et le résultat est une véritable réussite ! Cette histoire coule toute seule et se lit avec plaisir. Tu as réussi à la rendre très vivante, tant par les dialogues que par la personnalité attachante des personnages (je suis sûre qu’Antoine est digne d’intérêt).

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    • Merci MCL, j’étais frustrée de ne pas avoir pu faire ce que je voulais la semaine dernière mais bon j’ai quand même abandonné des mots, ils venaient trop comme un cheveu sur la soupe sinon 🙂

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  5. Pingback: LES PLUMES 23 – Les textes pour Là-bas ! Rappel des dates du jeudi-poésie ! | Les lectures d'Asphodèle, les humeurs et l'écriture

  6. Un petit flash-back, si je ne m’abuse, toujours aussi vivant, passionnant et remarquablement bien écrit. Belle irruption d’un « aventurier » (sûrement pas psychopathe :D) dans la vie bien trop carrée de Sarah…. ça lui fera le plus grand bien d’être un peu déroutée.
    J’espère que tu mettras l’histoire en ordre, après l’avoir terminée (pas trop vite, tout de même), cela sera une telle joie de la lire en entier.

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    • Un grand merci Elisabeth 🙂 Oui ce passage se situe avant les deux autres, en fait au premier texte (qui se situe plutôt à la fin) je n’avais pas du tout prévu de continuer avec ces personnages, Sarah et Antoine ont bouleversé mes plans 😀

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        • Je crois que je vais la continuer en off celle-ci car les extraits deviennent trop longs sinon pour les ateliers 🙂 En plus de celle que j’ai depuis longtemps mais à peine ébauchée, j’ai eu une autre idée d’histoire ce matin (mon moment d’inspiration favori on dirait, après la petite médit’ matinale quotidienne ^^). C’est sans doute (trop ?) ambitieux (mais on a dit pas de limites en 2014, n’est-ce pas ? ^^) mais j’aimerais m’écrire un recueil de nouvelles sur des histoires de femmes…

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  7. Il fait quand même un peu peur, l’Antoine. ^^ Et les comptables sont tout aussi fantasques et fantaisistes que les autres, qu’on se le dise ! (dixit un gars qui travaille dans un service comptable dans sa vraie vie professionnelle).

    En tout cas, tu ne te simplifies pas la tâche en prenant des mots de 2 ateliers. ^^ Une réussite, je trouve, car le texte se lit bien et le dialogue est plutôt vivant (mais pour combien de temps, vu qu’il y a un psychopathe dans le texte?)

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  8. j ai vu ton com sur le forum, bah je regarde jamais le reader, moi je recois par mail tes avis nouveaux billet, je clik et je me trouve sur ton billet
    par contre oui desfois ils sont un peu severe dans les reponses je trouve, on dirait faut pas rigoler,
    lol

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