L’atelier d’écriture chez Olivia : Ariane se révèle

unehistoireVoici le résultat de la récolte des mots chez Olivia cette semaine : sagesse – proverbe – absolument – subtil – vieillesse – ennemie – adversaire – jeu – échecs – fiasco – erreur – accepter – joie – plaisir – offrir.

Le passage ci-dessous était déjà écrit, j’y ai donc inséré les mots, à ma manière comme chaque semaine. Désolée par avance car il est un peu long. Donc previously on Ariane’s story : Millie vient de retrouver Ariane, son amie de lycée, à la fac, et découvre qu’elle y mène des études de théâtre. Elle se souvient alors que six ans plus tôt, la pièce Cyrano de Bergerac s’était montée dans leur classe de seconde. Son professeur de français avait insisté pour qu’elle passe l’audition pour le rôle de Roxane et Ariane l’avait aidée à répéter. Then…

‘Je ne dormis presque pas de la nuit. Roxane. C’était presque trop beau pour être vrai. Le lendemain matin, je me levai comme un polichinelle de mon lit pour aller au lycée. Le trois heures de devoir surveillé de français, sur le thème de la sagesse dans les proverbes, me parurent une éternité. En sortant à 11h30, Ariane me demanda :
– Ca va, pas trop stressée pour tout à l’heure ?
– Si, je suis à deux doigts de m’évanouir ! On déjeune ensemble ce midi ?
– Oui, avec plaisir, viens à la maison. Ma mère n’est pas là et il doit y avoir des restes de lasagnes dans le frigo.

L’appartement de la mère d’Ariane était à cinq minutes à pied. C’était un vieil immeuble sans ascenseur et elles habitaient au premier. Nous entrâmes et Ariane se dirigea vers la cuisine pour aller réchauffer le repas. Pendant que nous déjeunions, elle m’offrit un panaché, puis lâcha d’un air embarrassé :
– Il faut que je te dise quelque chose, Millie. Après ta répétition d’hier, j’ai décidé de passer aussi l’audition. C’est quand même le rôle de Roxane, tu vois… Mais avant de le faire, je voulais être sûre que ça ne te dérange pas.

La surprise m’ôta les mots de la bouche et je repensai à sa performance subtile et étonnante de la veille.
– Eh bien… euh non… ça ne me dérange pas… absolument pas, balbutiai-je. Après tout, c’est le jeu, l’audition est ouverte à tout le monde. Et si on loupe Roxane, on pourra toujours essayer de choper le rôle de la vieille duègne ou d’une bonne sœur, m’efforçai-je de dire d’un ton détaché qui se voulait joyeux.

Lorsque vint l’heure de retourner au lycée, j’étais encore plus stressée. Non seulement j’allais auditionner pour le rôle de ma vie, mais en plus ma meilleure amie serait mon adversaire, devrais-je dire mon ennemie ? Je n’aimais pas vraiment la tournure que prenaient les choses. Nous arrivâmes dans la salle de l’Aumônerie à 14h pile. M. Loupiot était déjà arrivé et de nombreux élèves de toutes les classes de seconde étaient déjà présents. Il attendit encore quelques minutes et annonça :
– Vous savez que le rôle de Cyrano est déjà attribué à Sylvain Cadier, puisqu’il est le seul à s’être présenté. C’est vrai qu’assumer un rôle de mille quatre cents vers n’est pas donné à tout le monde ! Nous allons donc auditionner pour tous les autres rôles aujourd’hui. A commencer par les rôles féminins, puisqu’il y en a très peu dans la pièce, nous choisirons ensuite tous les rôles masculins, et nous finirons par celui de Roxane.

Je m’écroulai intérieurement. Puisque tous les rôles allaient être attribués avant celui de Roxane, je compris que si je ne l’obtenais pas, je n’aurais aucun rôle dans la pièce. Les auditions durèrent des heures, et même si Ariane me glissait une bonne blague de temps en temps au creux de l’oreille, je me décomposai de minute en minute. Quand vint enfin notre tour – nous étions quatre à briguer le rôle – j’étais en état de tout sauf d’auditionner.
– Mais, puisqu’il est cruel, vous fûtes sot de ne pas, cet amour, l’étouffer au berceau !

J’entendis ma voix, trop aiguë, trop tremblante et je sus, alors même que je récitai encore les vers, que c’était fichu. Un vrai fiasco. Quand je revins à ma place, Ariane me chuchota à l’oreille « Millie, tu es la meilleure ». Les deux autres candidates passèrent à leur tour mais je n’entendais plus rien. Puis vint le tour d’Ariane. Comme la veille, elle se transfigura et récita les vers avec une fluidité et un talent que je ne lui connaissais pas et qui fit taire toute la salle. A la fin de la tirade, M. Loupiot, soufflé comme nous tous par sa prestation inattendue, reprit la parole :
– Nous avons désormais tous nos personnages et je dois maintenant faire un choix pour Roxane. Mesdemoiselles, merci beaucoup pour votre présence et votre courage. Mais pour la pièce, après ce que je viens de voir et d’entendre, je vais attribuer le rôle de Roxane à Ariane. Merci encore à vous tous. A tous ceux qui font désormais partie de la pièce, je vous donne rendez-vous mercredi prochain à 14h pour le planning et l’organisation.

Nous sortîmes tous lentement de la salle. Je ne savais pas trop comment réagir, je me devais d’être heureuse pour Ariane mais en réalité j’étais effondrée par mon échec. Me présenter à cette audition avait été une véritable erreur. Je tentai de la féliciter en gardant un semblant de contenance, puis j’inventai une excuse incompréhensible pour rentrer le plus vite possible à la maison. Je pris le bus et en arrivant chez moi, l’appartement était vide. Mes parents ne rentreraient pas avant au moins une heure, ce qui me laissait une heure entière pour pleurer tout mon saoûl.

Pendant les semaines qui suivirent, Ariane et moi fîmes comme si de rien n’était, continuant à rire de tout et à nous repaître de livres et d’histoires. Simplement, nous évitions soigneusement d’évoquer le sujet de la pièce. Seuls les mercredis après-midis, que nous passions jadis ensemble, et qu’Ariane passait désormais à répéter, étaient la preuve que quelque chose avait changé entre nous. M. Loupiot m’avait demandé si je n’avais pas été trop déçue et s’était excusé de son choix. Je lui avais répondu nonchalamment qu’Ariane était à l’évidence la meilleure et que le rôle aurait sans doute été trop difficile pour moi de toute façon. Et j’avais pleuré dans les toilettes en sortant.’

23 réflexions sur “L’atelier d’écriture chez Olivia : Ariane se révèle

  1. Ah, tu avais donc écrit ton texte avant…ce qui a dû le rallonger un peu. Cela dit, je ne l’ai pas trouvé long du tout. Quand c’est bien écrit et qu’il y a de la matière (pas du remplissage), un texte ne paraît pas long. Quant au sujet, l’amitié est parfois faite de rivalité et de renoncement, surtout à cet âge-là. et donc de chagrins… Tu as très bien rendu les sentiments de ton héroïne, son ambivalence vis-à-vis de son amie.

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    • Merci MCL ! Et oui, le texte était écrit avant (j’ai terminé l’histoire, youpi !!), j’ai tenté ta technique 😀 Je n’ai pas eu le temps d’aller lire les autres textes cette semaine, la période est intense, il faut que je me rattrape et que je lise la suite de ton histoire !!

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  2. Mmh. D’un côté, on se met forcément à la place de la narratrice et on se dit « mais quelle garce cette Ariane ! ». D’un autre côté, doit-on ne pas se lancer pour préserver une amie alors qu’on sait être plus douée ? Ça doit tout de même être difficile comme choix (heureusement, ça ne m’est jamais arrivé).

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  3. Pingback: Cette maison III | Olivia Billington

  4. Trop long, tu rigoles, j’en veux encore !!!!
    Quelle traîtresse, faire cela a sa meilleure amie… je comprends maintenant cette chape de plomb qui a pesée sur leurs retrouvailles et je m’étonne qu’elle la fréquente encore.
    Si beau texte qui fait réfléchir sur la loyauté et l’amitié, surtout féminine. On la compare à du cristal, belle mais si fragile….
    Heureuse de te connaître, Biancat, Amie du cœur

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  5. Je crois que j’ai envie de pleurer en fait… Quelle histoire ! C’est pas juste, enfin si dans un sens, mais non ! La pauvre.

    Et puis si Ariane a vraiment du talent, ce qui est manifestement le cas, pourquoi lui a-t-elle pris le rôle, enfin, pourquoi s’être présentée ? Et l’amitié là-dedans ? C’est pas sympa du tout.

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