Atelier d’écriture chez Asphodèle : quand la lumière s’éteint…

plumes asphodeleC’est un air printanier que nous souffle la collecte de la semaine chez Asphodèle, dont voici le résultat : douceur, printemps, déserter, sommeil, chaleur, renaissance, air, bernard-l’hermite, édredon, paresse, plume, aile, volupté, insouciance, liberté, vaporeux, virevolter, cigogne, nuisette, ubac, univers, urgence.

Et voici ma proposition :

« Au téléphone, ma mère m’avait dit qu’il n’y avait pas d’urgence, qu’on pouvait arriver tranquillement vers midi, mais on a fini par être en retard, comme d’habitude. A peine descendues de la voiture, les filles se précipitent dans le jardin en hurlant à tous les vents leur liberté retrouvée. Je passe le petit portail vert dans leur sillage et c’est là que j’aperçois mon père : il paresse dans une chaise longue, enfoncé dans un édredon de plumes tout blanc. De loin, on croirait qu’il savoure la douceur du printemps et la chaleur des premiers soleils. Tout est si calme, rien n’a l’air d’avoir vraiment changé. C’est drôle comme le printemps souffle invariablement chaque année sa brise de volupté et d’insouciance. Une inlassable et toujours optimiste renaissance.

cigogneLes filles se sont approchées de leur grand-père et leurs rires l’ont sorti de son demi-sommeil. Elles virevoltent toutes les deux autour de lui, tout en faisant des zigzags entre le nain de jardin et la cigogne imperturbable. Alors qu’elles jouent bruyamment à cache-cache entre les nuisettes de leur mamie qui sèchent sur la corde à linge, je me penche pour embrasser mon père. Il tourne la tête vers moi et je suis frappée par son regard, jadis si perçant, aujourd’hui vaporeux. Au début, on nous a dit que c’était la maladie de Parkinson. Il tremblait beaucoup, ça n’a pas vraiment été une surprise. Le problème, c’est que ce genre d’invité n’arrive jamais seul. On l’a réalisé quand sa raison a commencé à déserter et qu’il s’est mis à dériver de l’adret vers l’ubac de son esprit.

  • Papy, tu veux qu’on te chante la chanson du bernard-l’hermite qui voulait avoir des ailes ?

Il sourit. Seules ses petites-filles semblent encore l’atteindre. Dans leur univers, la maladie n’est qu’un autre aspect de la réalité et ça ne les dérange pas que Papy ne soit plus tout à fait comme avant. Après tout, il est toujours là pour écouter leurs chansons. »

46 réflexions sur “Atelier d’écriture chez Asphodèle : quand la lumière s’éteint…

  1. A reblogué ceci sur Biancat's Roomet a ajouté:

    Il y a plusieurs années maintenant, j’adorais participer à des ateliers d’écriture, sur le blog « Les lectures d’Asphodèle » ou sur celui de mon amie et écrivaine Olivia Billington. J’ai ainsi retrouvé le dernier texte que j’avais écrit dans ce cadre. Il date de mars 2015, et j’ai réalisé que mon papa s’est éteint en octobre de la même année, ce qui lui donne une résonance particulière aujourd’hui. Je l’ai trouvé (tristement) joli, c’est pourquoi je repartage, tout en vous souhaitant une belle soirée…

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  2. Me voilàààà enfiiiin !!!! 😀 Bravo vraiment bravo d’avoir abordé ce sujet avec autant de pudeur, de douceur et de sensibilité, c’est touchant sans être larmoyant, j’aime beaucoup ! 😉 Les enfants en bas âge rejoignent souvent les anciens par la pensée, on dirait qu’ils se comprennent. Bises Biancat ! 🙂

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  3. Mes yeux se font vieux (pas moi hein !!) j’ai du mettre mes lunettes pour ordi !
    Ca fait un moment que je les met et pourtant j’ai des verres progressifs !! Zut !!
    Ben tout ça pour te dire que je suis contente de les avoir mises !
    Ton texte est émouvant, touchant……Merci Martine de ce partage

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  4. Ton texte sonne en écho à ma vie. Mon père a un tumeur cérébrale décelée depuis 2 ans et son état se dégrade petit à petit… Il ne sait plus qui sont ses petits enfants et à ma dernière visite était persuadé que j’étais la fille d’une de mes sœurs 😦

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  5. Ce n’est pas facile d’aborder ce sujet et tu l’as fait en toute pudeur en minimisant le côté désolant de cette terrible maladie.
    Merci pour ce partage si touchant.
    Bisous
    Domi.

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  6. Ton récit est très émouvant, et bien différent de certains clichés sur les enfants, durs, cruels. Oui, ils peuvent passer outre la maladie et être heureux d’une présence.

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  7. Pingback: LES PLUMES 42 – LES TEXTES DE MARS 2015 ! | Les lectures d'Asphodèle, les humeurs et l'écriture

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