L’affaire Abercrombie & Fitch : le pouvoir du collectif

affiche abercrombieIl y a quelques mois, je m’étais insurgée dans un billet contre le culte du beau et du mince prôné haut et fort par la marque de vêtements Abercrombie & Fitch. Pour mémoire, cette marque avait décidé en mai 2013 de retirer les tailles XL et XXL de ses rayons, ce qui en soi n’était pas forcément choquant. En effet, nous vivons dans un monde occidental où le marketing est roi et on n’est plus à ça près.

Le marketing, c’est tout simplement la combinaison d’un produit, d’une cible, d’une politique de prix, et d’un mode de distribution, ce qui se traduit chez Abercrombie par des vêtements branchés, destinés à un public cool, beau et mince, prêt à les payer (très) cher dans des boutiques ultra-hype. Bon.

Là où le bât blesse, c’est que cette décision était la cerise sur un gâteau fait de déclarations toutes aussi dérangeantes et déplacées les unes que les autres. Chez Abercrombie, on considère qu’on est beau seulement quand on est mince et on le dit. Cela vaut pour les acheteurs, mais aussi pour les salariés de l’entreprise. Ainsi, comme l’a déclaré le PDG de la marque, Mike Jeffries, pas avare de commentaires choc (ou stupides) : ‘Nous recrutons des gens qui présentent bien. Parce que des gens qui présentent bien attirent l’attention d’autres personnes qui présentent bien et nous voulons atteindre les gens qui présentent bien et rien d’autre.’ Le message est clair : ‘Beaucoup de gens n’ont rien à faire dans (les) vêtements (de la marque)‘.

campagne pub attractive and fatPour répondre à ce crachat en pleine figure (parce que c’est quand même un peu ça…), les réactions des consommateurs n’ont pas tardé à prendre de l’ampleur, se muant en un véritable tollé, et de nombreuses initiatives anti-Abercrombie ont ainsi vu le jour.

Tout d’abord, l’opération Fitch the homeless : pour faire un pied-de-nez à la marque, Greg Karber s’est filmé en train de distribuer des vêtements Abercrombie à des sans-abri avec pour résultat plus de 8 millions de vues sur Youtube. Et surtout le coup d’éclat de la blogueuse Jess M. Baker : afin de dénoncer les pratiques de la marque, celle-ci a adressé une lettre ouverte à Mike Jeffries et, en guise d’estocade, a posé pour une fausse campagne de pub savamment intitulée ‘Attractive & Fat’.

A l’arrivée, toute cette mobilisation a porté un coup non négligeable aux résultats de la marque, faisant baisser son chiffre d’affaires et le cours de son action. La victoire de l’anti-discrimination sur une logique marketing des plus discutables.

Une telle affaire donne à réfléchir : si le désamour (voire le boycott) d’une marque peut générer des résultats aussi tangibles, si nous sommes capables collectivement d’atteindre de tels objectifs, pourquoi ne pas lutter également contre les marques qui contribuent à détruire la planète ou à nous empoisonner ? Ce type d’événements donne un aperçu de notre immense pouvoir collectif et de la façon dont ce pouvoir peut être démultiplié par le Web. Il nous incite à prendre conscience de l’impact que peut avoir notre façon de consommer, parce que c’est finalement de là que peut venir un vrai changement.

 Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas ! Coluche

Pour ma part, je n’ai jamais acheté de vêtements Abercrombie mais j’ai déjà abandonné le nutella et son huile de palme. Et ça ne fait que commencer. Et vous, qu’allez-vous abandonner demain ?

Quand le culte du beau devient ridicul(t)e

Aujourd’hui, j’inaugure la rubrique ‘Coups de gueule’ mais il y a de quoi.

Ces derniers temps, je passe beaucoup de temps sur Twitter et ce matin, j’ai lu un article qui m’a fait bondir. Vous connaissiez peut-être le site de rencontres BeautifulPeople.com, créé en 2010 et exclusivement réservés aux beaux ? Trop petite, trop grosse, nez crochu, léger strabisme ? Out !

Après cet eugénisme en ligne affirmé (sauf que là on ne cherche pas à créer la race aryenne mais plutôt la race Casting de télé-réalité… Non mais allô quoi !), voilà que les créateurs persistent et signent en créant le site BeautifulPeople.com Recruitment. Sur les mêmes bases : seuls les inscrits à BeautifulPeople.com sont autorisés à s’inscrire sur la déclinaison Recruitment. Donc, avant il fallait être beau pour pouvoir trouver l’âme soeur, maintenant il faut aussi être beau pour trouver un job. Et là je dis non.

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Cette histoire n’est pas sans rappeler le scandale récent de la marque Abercrombie (qui n’est donc définitivement pas le titre d’un film d’horreur, quoique…), la marque des gens beaux, minces et riches, et ses modèles interdits aux grosses. Inutile de dire que j’ai applaudi des deux mains l’initiative #Fitchthehomeless de récupérer des vêtements de la marque afin de les offrir à des sans-abri. Et quand on creuse un peu plus les ‘valeurs’ de la marque, on se dit que c’est encore trop d’honneur.

fitchthehomeless

Ajoutez à ça les égarements des anti-mariage pour tous pour compléter ce joli tableau, et je ne peux m’empêcher de me dire que les ségrégations et discriminations de tous poils (d’ailleurs, j’imagine que les poilu(e)s n’ont pas le droit non plus au site BeautifulPeople ?) ont encore de beaux jours devant elles. Drôle de société tout de même où le paraître a pris le pas sur l’être, et où les nouvelles héroïnes proposées aux jeunes filles sont de belles coquilles vides et s’appellent Zahia ou Nabila.

Alors moi, je le crie haut et fort, je suis à fond pour les Robin des Bois qui se battent pour défendre les droits du moche et de l’opprimé.