Atelier d’écriture chez Asphodèle : So far, so close…

plumes asphodeleAprès avoir fini mon histoire de Cynthia / Honey, j’ai eu du mal à dire au revoir à Jensen et à part quelques poèmes, mes nouvelles sont restées au point mort. Puis, à la lecture des mots chez Asphodèle cette semaine, j’ai eu envie de reprendre l’histoire de Sarah que j’avais laissée un peu en plan, avec pour objectif de l’écrire dans les semaines à venir.

Voici donc la récolte n° 30, avec laquelle j’ai comme souvent un peu triché : tendresse, peau, solidarité, incompréhension, mosaïque, regard, amour, handicap, souffrir, tolérance, dispute, similitude, solitude, séparation, complémentaire, richesse, éloignement, étranger, égal, déranger, combattre, hagard, herbage, horrifiant.

Et ma proposition, pour une fois pas trop longue :

‘Elle dévisagea Antoine, son regard bleu, sa bouche rieuse, ses boucles brunes, et elle en voulait à Tristan d’avoir permis que ces sentiments s’insinuent en elle. Elle en était la première horrifiée et ne tolérait pas cet interdit, mais elle n’arrivait plus à lutter et son cœur avait renoncé à combattre. Antoine opposait la complicité à l’incompréhension, la proximité à l’éloignement, la présence à la solitude. Mois après mois, Tristan avait lentement glissé du statut d’âme sœur, son égal, son être complémentaire, à celui d’étranger. La richesse de leur relation désormais handicapée, la similitude de leurs goûts, leur solidarité indéfectible, tout cela s’était brisé dans une mosaïque de disputes, puis d’indifférence et de froideur. L’imminence d’une séparation ne semblait pas le déranger, Sarah avait même l’impression que c’était ce qu’il attendait, comme si sa souffrance existentielle pouvait trouver du répit et du soulagement dans le rejet de l’autre.
Quand Antoine prit son visage entre ses mains avec tendresse et enfonça délicatement ses doigts dans sa chevelure, elle lâcha prise. Le contact de sa peau la fit frissonner et souffrir tout à la fois. Elle ferma les yeux, consciente de sa mine hagarde et perdue, et s’abandonna à son baiser. Elle perçut l’odeur de l’herbe fraîchement coupée du parc, le goût inédit de ses lèvres, le doux murmure de leurs soupirs, et laissa s’envoler l’image de Tristan.’

 

L’atelier d’écriture chez Asphodèle : Quand Antoine rencontre Sarah

plumes asphodeleLa semaine dernière, je voulais écrire un bout de l’histoire de Sarah et Antoine avec les mots de l’atelier d’Olivia mais le temps file trop vite !

J’ai donc repris ces mots : ténébreux – sombre – gouffre – clair – caverneux – roman – asocial – adaptation – théâtre – dramatique – scénariste – comédien – grandiloquent, auxquels j’ai retiré ‘caverneux’, ‘théâtral’ et ‘grandiloquent’ et j’y ai ajouté les mots de la semaine chez Asphodèle : inconnu, nostalgie, rivages, différence, dépaysement, horizon, recommencer, mutation, ailleurs, lointain, voyage, insouciance, oublier, découverte, chimérique, aventure, soleil, distance, ici, asphalte, abandonner, améthyste.

L’histoire d’Antoine, Sarah et Tristan est donc livrée par bouts et dans le désordre mais je ne désespère pas de remettre un jour le puzzle à l’endroit 🙂

‘Elle faisait la queue depuis vingt-cinq minutes au snack des Comédiens, ce qui lui avait donné largement le temps de faire son choix entre le panini italien (le meilleur du quartier) et l’irrésistible sandwich poulet curry au pain polaire. « Quelle plaie, je vais encore sentir le graillon en rentrant au bureau » se lamenta-t-elle intérieurement. Malgré l’attente interminable, elle trouva quand même le moyen d’hésiter sur sa commande quand elle fut enfin devant le comptoir. « Bonjour… euh… Une bruschetta tomates-mozza… un Coca light et… une panacotta sauce framboise, s’il vous plaît », finit-elle par lâcher à la serveuse débordée. L’ultime minute d’attente l’avait encore fait changer d’avis.

– Et n’oubliez pas le supplément huile d’olive et pignons !

Sarah sursauta en entendant la voix derrière elle. Elle se retourna et se retrouva nez-à-nez avec un jeune inconnu qui affichait l’air goguenard de celui qui a réussi un coup d’éclat. Elle le jaugea rapidement : pas très grand, le cheveu sombre et bouclé, l’oeil vif et malicieux, plutôt sympathique de prime abord.

– Pardonnez-moi, je ne me suis pas présenté : Antoine, votre voisin d’en face. Enfin je veux dire, je tiens la petite galerie d’art en face de votre bureau. Sarah, c’est ça ?

Elle se souvint d’avoir été une fois dans cette galerie. Son amie Mag était passionnée de peinture et était, au grand dam de son mari, un vrai gouffre dès qu’il s’agissait de jeunes créateurs. Cependant, cela ne l’avait pas empêchée, semble-t-il, d’oublier le visage de son propriétaire : après tout, sa spécialité n’était-elle pas d’avoir toujours la tête ailleurs ? Même si elles étaient les meilleures amies du monde, Mag s’amusait régulièrement à la traiter d’asociale et de Marie-qui-rêve. De plus, elle n’était pas spécialement jolie mais ses longs cheveux blond clair, son teint diaphane et ses yeux améthyste immenses donnaient l’impression qu’elle était tombée tout droit de la Lune.
Sarah fut estomaquée que le jeune homme connaisse non seulement ses habitudes, mais aussi son prénom. Avant qu’elle ait eu le temps de bafouiller une réponse, la serveuse lui remit le sac de son déjeuner tout en prenant le ticket restaurant que Sarah lui tendait.

Square-du-Temple--DSC_7885– Il fait beau aujourd’hui, dit Antoine en faisant un clin d’oeil. Je parie que vous aviez l’intention d’aller vous installer sur l’herbe au Square du Temple avec un livre, j’ai raison ?

Sarah acquiesça de la tête avec un regard ébahi. Cet Antoine était sans aucun doute un psychopathe qui la pistait peut-être depuis des mois.

– J’aime bien y aller aussi, poursuivit-il, même si je ne suis pas un grand fan des mômes qui courent partout. Est-ce que vous daigneriez partager votre soleil ?

Sarah rougit. Son bouquin du moment, un roman dont l’adaptation cinématographique par un scénariste en vogue avait connu un franc succès – alors qu’il était dramatiquement mal écrit – ne pouvait décemment pas rivaliser avec la compagnie de ce drôle de garçon, même s’il était un tantinet effrayant à en savoir autant sur elle. Ne trouvant pas d’argument valable pour refuser, elle accepta en bredouillant une phrase inintelligible. L’aventure et l’imprévu n’étaient pas si fréquents dans son petit quartier du Marais, d’autant plus qu’à part ses collègues, elle ne connaissait pas grand monde ici.

Tandis qu’ils atteignaient la rue de Bretagne, Antoine lui avoua :
– Au fait, je m’excuse de vous avoir fait peur au snack. Pour tout vous dire, ça fait un moment que je vous vois sortir de votre bureau tous les jours exactement à la même heure pour aller chercher votre déjeuner et j’avoue que ça m’amuse d’observer vos petites manies de métronome. J’espère que vous ne m’en voulez pas.

Sarah se sentit un peu vexée. Elle était comptable et, comme dans ses bilans et ses comptes de résultats, elle aimait que tout soit carré dans sa vie aussi. Ce en quoi Tristan et elle contrastaient violemment. Tristan, l’artiste en mutation permanente, avait ouvert de nouveaux horizons et répandu un parfum de dépaysement et d’insouciance dans sa vie. Avec lui, elle avait découvert qu’elle pouvait abandonner un peu de sa rigidité, et prendre de la distance avec les choses matérielles trop bien rangées de son quotidien. Jusque là, elle n’avait fréquenté que des hommes cravatés dont elle ne gardait aucune nostalgie, et les seuls rivages lointains qu’elle avait atteints se trouvaient dans les voyages chimériques qu’elle faisait grâce à ses livres. Lorsqu’elle avait rencontré son beau ténébreux, c’est comme si sa vie toute entière recommençait, à jamais éloignée de ce qu’elle avait toujours été. Pourtant, il faut croire que leurs années de vie commune ne l’avaient pas rendue si différente puisque son voisin indélicat venait de la traiter de métronome. Elle baissa les yeux sur l’asphalte d’un air renfrogné et répondit :

– Puisque vous êtes si bien renseigné, vous devez aussi savoir que je suis comptable, et que nous ne sommes pas réputés pour être des modèles de fantaisie.

Antoine partit d’un rire à la fois charmant et tout à fait irritant :
– Je vous ai vexée !’

Le défi d’écriture chez Asphodèle : ennui

plumes asphodeleEt voilà le petit exercice de la semaine sur le thème de l’ennui chez Asphodèle, avec les mots suivants : projet, dimanche, emmerdement, penser, intimité, hésiter, oppresser, pluie, savoir, morosité, panne,créatif, silence, bâiller, fatigue, mourir, soupir, ralenti, routine, figé, vide, whisky, xyste, zigzaguer.

J’avoue que l’ennui m’a un peu gagné ! J’ai donc difficilement casé les mots, et laissé ’emmerdement’ de côté (et pas xyste !!), il jurait trop dans le paysage ^^.

‘Sarah détestait les week-ends sans projets. Tristan avait annulé leur petite escapade au dernier moment et elle s’était félicité de ne pas avoir payé d’acompte au petit cottage normand où ils avaient prévu de se rendre. Sentant l’esprit créatif venir en lui, comme il disait, il avait décidé de passer le week-end à la maison, ce qui signifiait deux jours enfermé dans son atelier, partageant son temps entre son whisky et ses pinceaux, zigzaguant fiévreusement entre ses toiles. Elle avait hésité mais n’avait finalement rien dit. A tout prendre, elle préférait un week-end loupé aux crises générées par ses pannes d’inspiration.
Tristan était un architecte brillant et passionné. A vingt-six ans, il était sorti de ses longues études avec des envies de bâtiments fous et des rêves de jardins et de xystes. Hélas, il s’était heurté à une réalité toute autre et se contentait, au bout de huit ans, de missions subalternes dans un petit cabinet parisien. Bouillonnant de frustration, il passait depuis plusieurs mois sa colère sur la peinture et l’alcool. S’y noyer lui permettait de rendre la médiocrité de sa vie supportable, mais ses plongées, dont il l’excluait, commençaient à inquiéter sérieusement Sarah.

Toute la semaine, elle s’était fait une joie de ces deux jours qu’ils allaient passer ensemble. Deux jours pour briser la routine et retrouver une intimité qu’ils perdaient peu à peu. Deux jours pour faire oublier à Tristan les affres de son quotidien et le sortir de sa déprime chronique.
Pourtant, au lieu d’être blottis l’un contre l’autre amoureusement au coin du feu dans une chambre d’hôtes, Tristan était au sous-sol en tête-à-tête avec son art et Sarah tournait en rond dans la maison dont le silence pesant l’oppressait. Elle avait finalement accepté hier une invitation à une réunion lingerie chez son amie Mag, bien qu’elle ne soit pas très friande des jacasseries entre filles, mais elle était cruellement désoeuvrée en ce dimanche de pluie mortel. A ses yeux, rien n’était pire que de retourner travailler le lundi sans avoir profité à fond de ses deux jours de liberté. Devant son incapacité à trouver une occupation satisfaisante, elle ressentit alors un vide immense. Elle repensa à ses premières années de vie commune avec Tristan. Le temps passait si vite avec lui. Elle aimait le côté artiste de sa personnalité, qui l’avait fait chavirer dès leur rencontre, à un vernissage où Mag l’avait entraînée malgré elle. Il l’avait fait rêver en lui racontant la genèse de dizaines d’oeuvres d’art, et des anecdotes hilarantes dont elle le soupçonnait d’en avoir inventé au moins la moitié. Là où d’autres auraient bâillé d’ennui, Sarah se montrait insatiable et buvait avec délectation ses histoires et son savoir inépuisable.

Force est de constater que l’admiration des débuts s’était émoussée, l’amertume de Tristan l’ayant transformé en un être dans lequel Sarah avait du mal à reconnaître son grand amour, et elle était seule aujourd’hui dans cette grande maison où le temps semblait s’être ralenti, comme figé. Elle poussa un soupir, s’installa sur le canapé et attrapa un magazine sur le guéridon : en lisant le titre de la première de couverture ‘Les origines de la fatigue’, elle fut découragée avant même de l’avoir ouvert et le reposa aussitôt. Soudain, elle réalisa que non seulement elle s’ennuyait à mourir, mais surtout qu’elle n’avait plus envie de rien. Dans sa morosité dominicale, elle réalisa aussi qu’elle pensait à Antoine.’

Le défi d’écriture d’Olivia : ‘Souvenirs de douleur’

unehistoireEt hop, voilà mon petit devoir d’écriture de la semaine (je crois que je vais devenir accro…), pioché chez Olivia, avec les mots suivants : apaiser – front – tranchée – décision – dilemme – torture – douleur – âme – divin – damnation – effroi – dresser – combattre – chagrin. La contrainte supplémentaire était : intégrer un flash-back.

‘Cette histoire me paraît désormais lointaine, comme perdue dans les limbes du passé. J’arrive même à croire par moments qu’elle n’est jamais vraiment arrivée. Infatigablement, mon esprit l’a recouverte de monceaux de souvenirs qui sont venus peu à peu ensevelir ces brefs instants de vie exaltée. Pourtant, imperceptiblement, ont survécu en moi d’infimes traces de son odeur, des souvenirs ténus du goût divin de sa peau, un faible écho de son rire généreux. Un moment anodin, intense et précieux, partagé sur une banquette au fond d’un bar, où nous étions seuls ce soir-là au milieu d’une foule chamarrée, bruyante et ivre. Une tendre promenade main dans la main, ponctuée de baisers et de regards, sur les quais de Seine un jour de septembre.

Je me souviens aussi de cette décision, quelques semaines plus tard, tranchée et définitive. Source d’une douleur foudroyante, d’un chagrin sans précédent dont je ne pensais pas pouvoir vaincre l’insupportable torture. Je pense encore avec effroi à ce dilemme inhumain, à ces sentiments surfaits auxquels je croyais, contre lesquels j’ai dû me dresser et que j’ai dû combattre de toute mon âme.

Aujourd’hui, tout a disparu dans les brumes du temps qui passe. Mon front n’est plus fiévreux, mes pensées sont calmes, mon cœur s’est apaisé. Echapperai-je pour autant à la damnation pour avoir failli ? Rien n’est moins sûr.’