Charlie, J+8 : urgence de vie

Il y a huit jours à peine, nous étions tous muets d’horreur après le drame Charlie. Que s’est-il passé depuis ? La mort des responsables, un pays qui s’est élevé contre la barbarie et le terrorisme, sous les yeux du monde entier, et une foule de questions pour demain.

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J’ai été touchée par ces élans de solidarité, et par l’émotion bienveillante au cours des rassemblements et des marches qui ont fleuri dans toute la France. Pourtant, quelque chose me chagrine aujourd’hui. Cette levée de boucliers en faveur de la liberté d’expression semble s’être muée en une nuée de réactions finalement très politiquement correctes : la France est un magnifique pays (mais ne l’était-il pas déjà avant ?), les dessinateurs étaient des génies, Charlie Hebdo devient intouchable et ceux qui hier encore le conspuaient s’arrachent le dernier numéro et envisagent même de s’y abonner. Et je ne parle même pas du mercantilisme honteux qui s’est emparé de la toile.

Tandis que je m’apprêtais comme tout le monde à acquérir mon exemplaire, je me suis soudain réveillée. Je me suis souvenue que les unes du journal me choquaient parfois, que je n’étais pas en accord avec sa ligne éditoriale, et qu’avant ce drame, je ne le lisais pas. Je me suis dit que c’était sauvegarder ma liberté d’expression que de continuer à penser cela, et de n’avoir pas plus aujourd’hui qu’hier envie d’acheter et de lire Charlie Hebdo. En prenant un peu de recul sur ce dernier numéro, j’ai eu le sentiment que Charlie était devenu pour beaucoup comme une bouée de sauvetage dans une mer de valeurs en perdition, un idéal un peu factice auquel se raccrocher. J’ai eu la conviction qu’il était capital au contraire de rester qui nous sommes, fidèles à nos convictions, et de ne pas suivre la masse à moins d’en être convaincu pour une excellente raison.

Alors au lieu d’acheter Charlie Hebdo, j’ai décidé de continuer à pleurer le drame humain en souvenir des victimes, et de laisser cette petite bougie sur mon blog en leur honneur, sans me demander si je suis Charlie ou pas. J’ai aussi décidé de ne pas oublier les atrocités perpétrées partout ailleurs dans le monde, et de me mettre, comme le disait très justement un de mes très bons amis, en urgence de vie, pour éradiquer la haine et la peur.

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26 réflexions sur “Charlie, J+8 : urgence de vie

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  4. Waou, votre texte reflète exactement ce que je pense. Je suis une amie de Kentin Spark, et il m’a suggéré de vous lire. Beaucoup de personnes de ma connaissance se sont jetées sur le nouvel exemplaire de Charlie Hebdo. Moi je pense depuis le début que c’est du n’importe quoi. On achète un journal parce qu’on en a envie, mais pas pour suivre un mouvement ni même les soutenir. Il y a d’autres façons de les soutenir et de soutenir les victimes de toutes les atrocités qui se passent dans ce monde. Nous ne sommes pas Charlie. Les chroniqueurs de ce journal ont leurs personnalités propres et j’ai la mienne tout comme vous, tout comme chacun dans ce monde. Et ma personnalité me dit que suivre les moutons d’un troupeau (tiens ça me rappelle une chanson), ce n’est pas de la liberté d’expression…

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    • Bonjour Débora et bienvenue ici 🙂 Voilà, exactement, ces événements nous ont incités à devenir des moutons… au nom de la liberté d’expression. Avouons que c’est paradoxal ^^ C’est pourquoi il est urgent de se réveiller un peu !

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    • Au fait, Bistroman, es-tu Charlie ou pas ? lol Non mais c’est vrai que cette histoire, tragique il est vrai, a pris des proportions à la limite de l’incompréhensible. Enfin, je me dis que si chacun peut y trouver une source de motivation pour améliorer le futur, pourquoi pas ? Hélas, j’en doute un peu…

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  5. Alors, moi je partage ton point de vue. Je ne suis pas Charlie ni autre, à part moi-même. La douleur est devenue internationale. Moi, de moi-même, je préfère écrire en laissant apparaître un petit clin d’oeil de temps en temps à ces « Charlies ». Très beau texte ! Merci, ça m’a fait du bien.

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  6. Bravo et merci, Biancat de dire si bien ce que j’essaye de passer comme message depuis ces publications à la chaîne. Je ne suis pas Charlie, je ne l’ai jamais été, je suis juste pour la liberté d’expression, la tolérance et le respect des valeurs, les vraies

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    • Moi je l’ai été à l’annonce du drame, comme signe d’une solidarité urgente et immédiate, mais la réflexion suivant, j’ai pu mettre le doigt sur ce qui me touchait réellement, à savoir exactement ce pour quoi tu milites : liberté d’expression, tolérance, respect des valeurs. Mais acheter Charlie Hebdo, ce n’est pas moi 🙂

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  7. je suis d’accord ; j’ajoute que, juste après l’attentat de la semaine dernière, l’affichette « je suis charlie » a été une façon simple d’exprimer l’inexprimable, quand les mots restent bloqué devant l’horreur et l’indicible.
    une semaine après, vouloir un Charlie à tout prix (et à tous les prix !) me parait être en partie une trophée, une relique, un symbole de solidarité dérisoire face aux prix qu’ont payé ces journalistes ;
    Et tu as raison, nul besoin d’arborer le dernier Charlie pour nous souvenir d’eux.

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    • Je suis absolument d’accord, moi-même j’ai arboré cette affichette, avec sincérité, car les mots m’ont manqué aussi, comme à nous tous. Mais aujourd’hui, acquérir le dernier Charlie Hebdo ne me ressemblait pas, je suis juste restée fidèle à moi-même, tout en comprenant que les gens aient eu ce besoin.

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  8. Très belle réflexion, comme toi je n’étais pas un lecteur assidu ou régulier de Charlie, mais je me suis senti aussi touché par ce qui est arrivé , et par le geste atroce qui a été commis, car après tout ce ne sont que de des dessins humoristiques, ils n’incitaient pas les gens à aller tuer ou dépecer qui que ce soit … S’il fallait faire de même par rapport à certains des livres sortis ces derniers temps , certains ont des propos aussi voir plus violents que les dessins de Charlie Hebdo et ils n’ont pas eu autant de réaction négatives…

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      • Je suis d’accord, comme toi je n’étais pas non plus toujours d’accord avec leurs unes ou dessins, étant moi même croyant je pouvais trouver certains dessins poussant un peu le bouchon loin , mais c’est leur droit , ils ont le droit de critiquer dans ce sens, mais c’est aussi le notre de ne pas à avoir à acheter comme des moutons aussi je suis d’accord avec toi 🙂

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        • Pareil. Croyante également, je ne cautionnais pas du tout certains dessins (rien que pour cela, ça aurait été hypocrite de ma part d’acheter le journal), mais personne ne m’a jamais mis le couteau sous la gorge pour les regarder. Ainsi, à eux la liberté d’exprimer leur anticléricalisme, à moi celle de ne pas y adhérer. En tout cas, personne ne méritait de mourir pour ça.

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    • En fait, ça a été une prise de conscience, est-ce que ça me ressemblait d’acheter Charlie Hebdo ? Non. Et qu’est-ce que ça peut bien représenter pour les milliers de gens qui l’ont fait ? Chacun doit avoir sa réponse, le tout c’est d’être sincère dans cette réponse et de ne pas être simplement un mouton.

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  9. je me joint a ta pensée même si je ne suis pas Française, l’hebdo Charlie a fait tellement la manchette depuis le jour J qu’il aurait été difficile de ne pas savoir ce qu’il en retourne

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