Comment je me suis dégoûtée de Facebook

Aujourd’hui, c’est un petit billet coup de gueule que j’avais envie d’écrire. Pour parler de mon expérience avec les réseaux sociaux, et surtout pour expliquer pourquoi j’ai ressenti le besoin urgent de m’en passer.

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Je le disais dans mon « Qui suis-je ? », je suis accro aux réseaux sociaux, particulièrement à Facebook. Du moins je l’étais jusqu’il y a peu. Inscrite en 2007, j’ai très vite apprécié la possibilité d’être en contact avec la plupart de mes amis, et même avec des personnes que je ne connaissais pas, des amis d’amis (mais peut-on dans ce cas vraiment parler d’amis ?). Je l’ai d’autant plus appréciée que j’ai déménagé plusieurs fois, de Paris vers le sud de la France, du sud vers la Bretagne. A vrai dire, je n’imaginais même plus ma vie sans Facebook. La peur d’être isolée, la peur de perdre le contact, la peur que la vraie vie ne me suffise pas.

Au fil de ces 11 ans de présence, j’ai bien connu des prises de becs sur différents sujets. Il faut dire que j’accumule les défauts : je suis sympathisante végétarienne, altermondialiste sur les bords, croyante et pratiquante de surcroît (je suis hindouiste depuis plusieurs années et pratique quotidiennement une forme de méditation), et même un peu réac quand je dis que les profs d’avant ne faisaient jamais de fautes de français. Je sais, je cherche les ennuis aussi. N’empêche que j’estime que quelles que soient ses convictions, on doit pouvoir s’exprimer, en particulier sur son propre espace. Alors même si j’ai toujours évité soigneusement les conflits en ne postant que du politiquement correct sur ma page, je ne pouvais pas m’empêcher, de temps en temps, de lâcher une publication sachant qu’elle serait mal vue, ou d’aller commenter sur d’autres pages. De me battre en défendant mes points de vue, de me faire insulter parfois, parce que c’est facile par écrans interposés.

Or, plus le temps passait, plus je me sentais mal sur Facebook. Sur ce réseau social, beaucoup prônent leur droit à la différence ou l’originalité par des panneaux bien écrits, mais qui sonnent souvent faux. Pourtant, à l’usage, on se rend vite compte qu’il est de bon ton de s’insurger sur les mêmes choses, de bien fustiger les mêmes personnalités, d’être athée, de manger de la viande ou que sais-je d’autre. Bref, d’être bien dans le rang et bien conforme, au risque de déclencher des levées de bouclier.

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Paradoxalement, malgré ce malaise croissant, je continuais à poster de façon compulsive, et beaucoup de choses insignifiantes au final, pour ne froisser personne. Pire, j’attendais les likes comme une droguée, vérifiant mon téléphone cent fois par jour. Dans ces centaines de posts, j’avais parfois une conversation intéressante, sur un bouquin, un film, une série, un point de vue, mais si peu noyé dans ce bavardage incessant.

Puis un jour, après m’être fait traiter de « bobo macronienne » sur une conversation, j’ai reçu un message privé de Céline, une de mes amies Facebook. Je ne l’ai jamais rencontrée irl, mais je l’apprécie beaucoup et partage un certain nombre de choses avec elle : des points de vue, des choix de vie, des livres ou des films. Dans son message, Céline annonçait qu’elle quittait Facebook parce que fatiguée des jugements, parce que déçue, parce qu’un peu droguée aussi. Et je me suis reconnue dans ses mots, dans ses ressentis et dans son besoin de calme. Du coup, je me suis dit que j’allais faire de même. J’avoue, au début ça m’a fait peur, l’idée de me couper de ce microcosme virtuel, moi au bout du monde dans ma Bretagne. Pourtant j’ai quand même appuyé sur le bouton « Désactiver ». Et j’ai juste gardé mon compte pour pouvoir conserver mes contacts sur messenger.

Ce qui m’a le plus frappée les premiers jours ? Le silence. Je croyais que j’allais être en manque. Au final, c’était une vraie libération de ne pas avoir envie de poster le moindre pan de ma vie, de ne pas me demander ce qui amuserait le plus mon auditoire, quel morceau de musique interpellerait mes amis, ou quelle photo de mes enfants récolterait le plus de likes. Au bout de quelques jours, certains de mes amis proches (dans le coeur mais pas géographiquement, hélas…) ont remarqué mon absence et m’ont contactée, d’aucuns par messenger, d’autres par SMS, en tout cas pas en public. Ca m’a fait retrouver le plaisir de discuter en one-to-one et pas sur un mur.

Bilan de l’expérience ? J’ai réalisé à quel point la dépendance à un réseau social peut avoir un impact dans la vraie vie. Certains jours, après une discussion un peu musclée, je me couchais contrariée, je pensais à des répliques bien senties toute la journée, et je me retrouvais finalement aussi agressive que mes interlocuteurs. Je condamnais cette agressivité en lisant des échanges auquel je ne participais pas, et je me rendais compte que je faisais précisément la même chose, en me berçant même de l’illusion que j’étais bienveillante, que c’était les autres qui ne l’étaient pas.

Ce que j’en conclus, c’est que j’ai des enfants, dont certains qui vont bientôt entrer dans l’adolescence. Si j’ai pu ressentir ce genre de choses en étant adulte, je n’ose imaginer l’effet sur un adulte en devenir, sensible et peu sûr de lui. Et ça m’a invitée à me méfier des réseaux sociaux pour l’avenir, pour eux. Un jour pas si lointain, je leur en parlerai.

Alors voilà comment je me suis dégoûtée de Facebook.

Miroir, mon beau miroir…

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Vous êtes-vous déjà interrogé sur l’image que les plate-formes virtuelles renvoient de vous ? Récemment, certaines conversations sur Facebook m’ont mise malgré moi face au miroir, entraînant toute une salve de questions : qu’est-ce que les réseaux sociaux disent de moi ? Le reflet renvoyé est-il fidèle ? Quelle est la facette de moi que j’accepte de montrer ? En parcourant ma page personnelle, j’y ai vu plusieurs personnages : la fille gaie qui se veut cool et qui aime rire de tout, la mère en apparence détendue, la téléspectatrice qui commente The Voice, la férue de séries, la fan de Maroon 5, l’amoureuse des chats, et d’autres encore. Beaucoup de légèreté, peu de profondeur.

Mais c’est surtout ce que je ne dis pas sur cette page qui m’a sauté aux yeux. Car je ne dis pas mes amis qui me manquent depuis notre départ dans le Sud et mon besoin d’échanges vrais. Je ne dis pas la tristesse de voir mon père diminué par la maladie. Je ne dis pas le dépit et le pessimisme que m’inspirent parfois la nature humaine et l’avenir. Je ne dis pas ma soif de spiritualité, ni mes angoisses existentielles. Je ne dis pas non plus mes difficultés de maman au quotidien, ni mes doutes quant au fait d’être une bonne mère. Je ne dis pas mes regrets. Je ne dis pas mes côtés sombres.

Que reste-t-il alors ? Des réseaux sociaux comme exutoires, comme espaces de superficialité sans aucun doute, mais en même temps générateurs de lien et de cohésion quand la distance géographique s’impose. Certes, mon personnage Facebook est tout en statuts et partages fantaisistes, sans grande portée. Il correspond néanmoins à ce que j’ai envie de partager sur ces lieux éphémères, parce que plus serait à mes yeux inapproprié, voire impudique, parce que plus est le territoire de la vraie vie.